Véronique Martin, la sculpture corps et âme

Artisane d’art, Véronique Martin est en pleine élaboration d’une nouvelle collection de sculptures en perles de granite et en céramique. Fille d’un père sculpteur, elle s’adonne à cet art depuis plus de 30 ans et ouvre son atelier chaque année lors des Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA) pour transmettre son savoir-faire.

Dans son atelier de 150 mètres carrés, Véronique Martin s’affaire. Au milieu des pinceaux et de l’odeur de térébenthine, la sculptrice achève d’appliquer les couleurs avec soin sur une statuette en granit. “C’est Saint-Brieuc, l’un des saints fondateurs de Bretagne”, précise-t-elle, intarissable sur l’hagiographie. La Bretagne, elle y est arrivée à l’âge de cinq ans. Une terre d’adoption dont la culture la fascine. D’ailleurs, la plupart de ses statues s’inspirent de la religion et du folklore breton et celte.

Un père sculpteur

Irlande, Singapour, Munich… Les œuvres de Véronique Martin ont été exposées dans des foires artisanales à travers le monde. Pour transmettre son savoir-faire, elle a ouvert au public son atelier de la cité Pierre Louaïl (1) lors des Journées Européennes des Métiers d’Art qui ont attiré près de 1 500 personnes cette année. Les salons d’artisanat, la sculptrice les arpentait déjà toute petite. “Née dans le chaudron”, elle a vite occupé l’atelier créé en 1964 par son père sculpteur et sa mère. Habituée à manger dans de la « faïence de créateurs », l’artisane n’entendait pourtant pas faire carrière dans ce domaine.

Souhaitant diriger une entreprise, elle étudie l’économie. C’est au décès de sa mère, en 1982, que Véronique rejoint son père dans l’atelier familial. « Si ma mère avait encore été en vie, j’aurais créé, mais je n’en aurais jamais fait mon métier », confie-t-elle.

« Tant que mon père a été en activité, jamais je n’ai osé toucher la terre. C’était lui l’artiste »

Véronique s’occupe alors de la gestion administrative et comptable de l’entreprise et se charge du suivi de la production et des commandes, comme sa mère avant elle. Elle est longtemps restée dans l’ombre de son père, Albert. Un sculpteur reconnu qui l’a initiée mais auprès duquel elle n’a « peut-être pas su s’imposer. » « C’était lui l’artiste. Tant qu’il a été en activité, jamais je n’ai osé toucher la terre », admet-elle en plissant les yeux. Ce n’est qu’une fois celui-ci parti en retraite, il y a 19 ans, qu’elle s’est autorisée à créer.

Depuis, ses mains sculptent, peignent, modèlent… Des mains étonnamment propres laissant apparaître une alliance à l’annulaire gauche. Mais volubile sur sa passion, la statuaire se veut plus discrète sur sa vie conjugale.

Une habituée pousse la porte de l’atelier. Elle vient chercher les santons que la créatrice lui a mis de côté. Et en profite pour commander un dessous de bouteille décoré de pattes d’hermine. « Il y a 15 ans, j’avais 150 clients sur la Bretagne, maintenant j’en ai 15 », souligne Véronique.

Aussi, pour la statuaire, la maison Martin s’arrêtera. D’autant que ses fils ont choisi d’autres voies. La finance pour l’aîné, l’ingénierie mécanique pour le second. Et elle ne les poussera pas à reprendre.

Des créations artisanales reconnues

Tout en perpétuant la tradition familiale, la statuaire assoit peu à peu son statut de créatrice jusqu’à lancer en 2010 Blanche de Bretagne. Une collection « féminine et spirituelle » qui rend hommage aux Bretonnes. Notamment aux bigoudènes « vêtues comme des princesses », découvertes lors des festivals de Cornouaille.

Au-dessus de ces pièces trônent ses certificats de Maître d’Artisan d’art et de sa Légion d’honneur. Sans se définir comme féministe, la sexagénaire perçoit ces prix comme une reconnaissance de son travail. “Ça m’a confortée dans le fait qu’il fallait se battre pour l’indépendance des femmes”, affirme-t-elle de sa voix douce et posée.

Biographie de Véronique Martin en quelques dates (Fait avec Infogram).

Des distinctions saluant un travail prenant. Dans ses rares moments de répit, elle marche et se rend à la piscine pour remédier à des problèmes de dos « à force de porter. » Cette bosseuse vient de fêter ses 60 ans. « Il faut que je le digère », plaisante Véronique avec un sourire révélant des ridules au coin des yeux. Un nouveau cap mais lui parler de retraite est prématuré. Quand ça arrivera, elle continuera, comme son père, à sculpter.

Elle souhaite écrire aussi. Car elle est friande de littérature. Dans sa bibliothèque, des livres d’histoire, de géométrie sacrée mais aussi des polars scandinaves, allemands et américains.

États d’âme

Si Véronique crée parfois dans le silence, elle a pour habitude de venir avec sa clé USB. Sa playlist oscille entre jazz et musique classique. Un peu d’Alan Stivell et de Denez Prigent, culture bretonne oblige. Mais aussi quelques chants grégoriens. « La spiritualité fait partie de ma vie », affirme l’artisane. Les cathédrales sont pour elle « des lieux de connexion » qui l’ont baignée dès l’enfance.

La créatrice croit en des énergies spirituelles qui guident ses mains. « Un élan de l’âme », qui lui fait défaut ces temps-ci, ajoute-t-elle, en réajustant pour la énième fois ses lunettes. Elle ne parvient pas à trouver l’inspiration pour une sculpture africaine demandée par des clients. Un passage à vide qu’elle a déjà rencontré mais qu’elle sait être éphémère.

« On me reproche parfois de ne pas avoir de ligne mais si c’est pour faire tout le temps la même chose ce n’est pas la peine »

Mais Véronique préfère attendre plutôt que de refaire les mêmes choses. « On me reproche parfois de ne pas avoir de lignes », glisse l’artiste. Véronique Martin ne vit pas cette « traversée du désert » avec fatalisme et en profite même pour expérimenter de nouvelles matières.

En attendant, la sculptrice poursuit la saga Martin. L’artisane a commencé il y a peu à faire cuire ses créations en terre et à travailler la céramique, matière qu’elle n’avait jusqu’alors jamais utilisée. D’ailleurs, Véronique Martin est en pleine réalisation de trois grandes statues en céramique destinées à une chapelle. Et elle annonce qu’une nouvelle collection en perles de granite et céramique va bientôt voir le jour.

(1) La cité Pierre Louaïl est une ancienne usine de landaus transformée en cité d’artisanat d’art. 15, boulevard Franklin Roosevelt à Rennes. La cité va bientôt devenir un centre des Métiers d’art.

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